A - Le greffon


La greffe de cornée nécessite d’avoir un greffon.

Les greffons cornéens sont prélevés chez des patients ayant fait le don de leurs cornées à leur décès.

Les greffons sont mis en quarantaine pour s’assurer de l’absence d’infection.
 
Il n’ y a pas besoin de respecter de compatibilité tissulaire, ce qui limite les délais d’attente par rapport aux greffes d’autres organes (quelques semaines seulement).

 

B - Greffe transfixiante


Il s’agit de la technique la plus ancienne.

Une anesthésie générale est en général pratiquée, mais une anesthésie locale peut suffire si besoin.

La durée de l’intervention est de 1 heure environ.

Toutes les couches de la cornée sont remplacées (greffe totale). La cornée receveuse est trépanée sur 360° et sur un diamètre proche de 8 mm.



Elle est remplacée par un greffon de même diamètre ou légèrement surdimensionné.

Le greffon est suturé par de nombreux points de suture. Ils sont laissés en place au moins une année, la cicatrisation cornéenne étant très lente (organe sans vaisseau).

La découpe de la cornée est effectuée avec un trépan mécanique le plus souvent.

Le laser femtoseconde peu être utilisé. Il permet de réaliser des découpes avec des formes plus complexes, censées améliorer la congruence entre le greffon et le receveur (principe du tenon et de la mortaise). En théorie, cela doit permettre de limiter l’astigmatisme, et augmenter la solidité de la cicatrice. En l’état actuel des connaissances, le bénéfice de cette technologie n’est pas encore réellement prouvé.

La récupération visuelle est lentement progressive. L’acuité visuelle finale n’est obtenue qu’après plusieurs mois, voir années, le plus souvent après ablation des  sutures

L’acuité visuelle avec correction optique est en moyenne de 6/10. Ceci n’est qu’une moyenne. L’acuité visuelle peut être supérieure, notamment chez les patients jeunes atteints de kératocône. Elle peut aussi être inférieure, notamment en cas de pathologie oculaires associée, d’astigmatisme géant, de syndrome sec sévère…..

Pour bien voir, une correction optique est nécessaire, par lunettes ou lentille de contact rigide. En effet, il existe de manière fréquente un astigmatisme important. Il est en moyenne de 4 à 5 dioptries. Un geste chirurgical secondaire est nécessaire dans 20 % pour le réduire, le plus souvent par incisions arciformes assistées par laser femtoseconde.

La greffe transfixiante est indiquée quand une greffe lamellaire (partielle) s’avère impossible, c’est à dire quand toutes les couches de la cornée sont atteintes.

 

C - Les greffes prédescemétiques


L’endothélium de la cornée receveuse est préservé dans cette technique. Seul le stroma du donneur est ainsi greffé. Les risques de rejet sont ainsi très nettement diminués (risque de 1 % seulement). En effet, l’endothélium du greffon est la principale source de rejet.  Il s’agit donc d’un bénéfice majeur de cette technique par rapport aux greffes transfixiantes.

Pour être possible, il faut que l’endothélium du receveur soit sain. C’est le cas chez les patients atteints de kératocône, de certaines cicatrices, de dystrophies stromales héréditaires ….

Une anesthésie générale est en général pratiquée, mais une anesthésie locale peut suffire si besoin.

La durée de l’intervention est de 1 heure 15 min environ.

Cette technique est très difficile, car il s’agit de préserver une membrane qui ne fait que 50 microns d’épaisseur. Il arrive régulièrement que l’endothélium se déchire pendant la chirurgie. Dans ce cas, la chirurgie est convertie en greffe transfixiante.


 

La cornée receveuse est trépanée sur 8 mm et sur 360°. Une injection d’air dans la cornée permet de séparer le stroma cornéen de l’endothélium. On parle de « big bubble ».

Cette trépanation induit les mêmes inconvénients que les greffes transixiantes : astigmatisme souvent important nécessitant une correction optique parfois importante, et même une chirurgie secondaire dans les formes les plus sévères, sécheresse oculaire par section de toute l’innervation cornéenne.

La récupération visuelle avec correction optique est en moyenne  de 6/10. L’acuité maximale est obtenue le plus souvent seulement après ablation des sutures, c’est à dire à partir du sixième mois postopératoire.

L’ablation des fils est donc plus précoce que pour les greffes transfixiantes.

 

D - Les greffes endothéliales


Quand la couche de cellules endothéliales est atteinte de manière isolée, il est possible depuis 2005 de ne changer que cette partie de la cornée.

Cette technique préserve l’anatomie cornéenne. En effet, il n’y a pas de trépanation. Seule, une petite incision de 4 mm est nécessaire sur la partie périphérique de la cornée.

L’endothélium du receveur (couche de 50 microns d’épaisseur) est retiré à travers l’incision.

Sur le greffon, l’endothélium est prélevé avec un peu de stroma. La technique de prélèvement la plus utilisée est mécanisée. Le prélèvement est difficile. L’intervention peut même être annulée par impossibilité de prélèvement. L’intervention est dans ce cas repoussée de quelques jours ou semaines, dans l’attente d’un nouveau greffon.

L’endothélium du donneur est introduit dans l’œil du receveur. Il est fixé à la face interne de la cornée grâce à la pression d’une bulle d’air.  Pendant les 24 heures qui suive l’intervention, il est important de se positionner avec la face vers le plafond, afin que l’air puisse faire son effet.

Il n’y a aucune suture dans le greffon.

L’incision est  fermée par trois points, retirés dès la fin du premier mois. postopératoire.

 

La récupération visuelle est progressive, mais beaucoup plus rapide qu’après une greffe transfixiante. En effet, une récupération visuelle notoire existe en général dès la fin de la première semaine postopératoire.

La récupération visuelle est maximale à 6 mois.

 Il n’y a quasiment pas d’astigmatisme ni d’irrégularité induites par ce geste.

L’innervation cornéenne est préservée, il n’y a donc pas d’induction de sécheresse de la cornée.

Aussi, la qualité de vision est nettement supérieure à celle obtenue après greffe transfixiante.



L’acuité visuelle avec correction (très faible) est en moyenne de 6 à 7/10. Elle est parfois de 10/10.

Le taux de rejet est inférieur à celui des greffes transfixiantes, de l’ordre de 7% (versus 15%).

Cette technique que je pratique depuis 2005 (réalisation des premiers cas en France) est réalisée chaque fois que possible du fait des nombreux avantages décrits ci-dessus.

 

E - Complications


Une infection peut survenir comme après toute opération. Le risque est très faible de l’ordre de 1 pour 1000. La perte complète de l’œil est possible dans les formes sévères.

Une hémorragie de l’œil pendant l’opération est exceptionnelle. On parle d’hémorragie expulsive. Cette complication est imprévisible, irréversible, et imparable. L’œil est en général perdu.

Le rejet du greffon est secondaire à la reconnaissance des cellules endothéliales (plus rarement du stroma ou de l’épithélium) du greffon par le receveur. L’immunité essaie alors de détruire les cellules greffées. Les symptômes sont un œil rouge, photophobe, douloureux et/ou un brouillard visuel. Une consultation en urgence est nécessaire dans ce cas. Le traitement repose sur la mise en route immédiate d’une corticothérapie intensive. La rapidité du diagnostic et du traitement conditionne le pronostic. En effet, plus on attend, plus le nombre de cellules endothéliales détruit est important. Si le nombre de cellules demeurant viables est faible, un œdème irréversible du greffon se produit.

Un changement de greffon est en général possible un an après. Le risque de rejet est cependant plus élevé que lors de la première chirurgie. Aussi, la prévention (traitement bien suivi et surveillance régulière) est cruciale.

L’apparition d’une hypertonie oculaire (ou glaucome) après une greffe de cornée est fréquente (30 % des cas en moyenne, plus dans certaines indications). Les causes sont multiples, mais la plus importante est la corticothérapie locale prolongée (effet secondaire de la cortisone). Il n’y a pas de symptôme, ce qui rend le dépistage systématique indispensable. Une absence de prise en charge entraine une altération irréversible du nerf optique (donc de la vision), et du greffon. Le traitement repose sur la mise en route de collyres hypotonisants, voir d’un acte chirurgical dans les formes les plus sévères.

L’astigmatisme correspond à une déformation ovoïde du greffon. Les causes sont un mauvais engrènement du greffon, ou une trépanation ovale du receveur (inéluctable en cas de cornées très déformées comme dans le cas des kératocônes évolués). Quand il est important, au delà de 6 dioptries, une correction par verre de lunette est impossible. Une lentille rigide peut être proposée ou une chirurgie sur le greffon, quelques mois après l’ablation de toutes les sutures. Les techniques chirurgicales les plus employées sont la réalisation d’incisions arciformes avec le laser femtoseconde, la sculpture du greffon avec le laser excimer, et/ou la mise en place d’anneaux dans le stroma du greffon. Les implants phaques sont moins souvent utilisés. Ces différents gestes sont effectués sous anesthésie par collyres, durent de quelques secondes à quelques minutes, et sont indolores. Ils permettent en moyenne de corriger 2/3 de l’astigmatisme. Les résultats sont cependant variables pouvant aller d’une correction complète, à une effet quasi-nul. Les complications sont exceptionnelles. Une corticothérapie entoure ce type de chirurgie secondaire pour limiter au maximum l’induction de rejet.

La sécheresse de l’œil est systématique quand la cornée est trépanée sur 360°. Un traitement lubrifiant est de ce fait prescrit. La durée varie de quelques mois à plusieurs années. Elle augmente avec l’âge du patient greffé. Les formes sévères entrainent une altération de la vision.

L’apparition  ou la récidive d’un herpès cornéen est possible du fait de la corticothérapie locale prolongée.

Une ouverture du globe oculaire est possible en cas de traumatisme, même minime. C’est la raison pour laquelle un protection par lunettes la journée et coque la nuit (le premier mois) est indispensable. Le frottement de l’œil est proscrit pendant de nombreux mois. Les séquelles peuvent être très sévères.

Les sutures peuvent être à l’origine de complications, lorsqu’elles se détendent ou se cassent (sensation de corps étranger). Elles doivent être retirées rapidement dans ce cas, pour ne pas s’exposer à des risques d’abcès et de rejet (formation de vaisseaux anormaux dans la cornée).

Seules les complications les plus fréquentes et les plus graves sont ici décrites.  Il ne s’agit donc pas d’une liste exhaustive.

 

F - Suivi


Quelque soit le type de greffe, une surveillance par un ophtalmologiste est nécessaire tous les mois pendant les six premiers mois, puis tous les trois mois pendant les six mois suivants, puis tous les six mois.

L’ablation des sutures a lieu à la fin du premier mois pour les greffes endothéliales, à la fin de la première année en général pour les greffes transfixiantes, et vers le sixième mois en général pour les greffes prédescemétiques.

L’apparition de symptômes tels un flou visuel, une rougeur, une gène à la lumière, la sensation de douleur ou d’un grain de sable doivent amener à consulter en urgence. Ils peuvent traduire un début de rejet, la rupture d’une suture,…

Pour limiter les risques d’infection et de traumatisme, la baignade est interdite pendant les premiers mois.

Un arrêt de travail de 1 mois est nécessaire pour les greffes endothéliales. Il est plus long pou les greffes transfixiantes et prédescemétiques, fonction de la rapidité de récupération et de la profession.

 

G - Traitement


La corticothérapie locale (collyre) est la base du traitement postopératoire. Elle diminue progressivement au cours du temps. La durée minimale est de un an pour les greffes endothéliales et les greffes transfixiantes. Elle est de l’ordre de 6 mois pour les greffes prédescemétiques. Les effets secondaires les plus fréquents sont la survenue ou la majoration d’une hypertonie oculaire et/ou d’une cataracte.

Un collyre à base de ciclosporine peut être ajouté ou peut remplacer le collyre à base de cortisone dans certaines circonstances. La ciclosporine est une autre molécule ayant des propriétés anti-rejet. Il n’y a pas d’effets secondaires généraux avec ce collyre, fabriqué par certaines pharmacies hospitalières.

Un traitement lubrifiant est prescrit pendant plusieurs mois.

Un traitement par collyres hypotonisant est parfois nécessaire.

Un traitement anti-herpétique par voie orale est prescrit avant et après greffe de cornée s’il existe des antécédents de kératite herpétique.

La compliance au traitement est indispensable pour obtenir un succès.